À Paris, ces 14 et 15 janvier, se déroulaient les « journées parlementaires », organisées conjointement par l’OCDE et l’Assemblée parlementaire de l’OTAN.
Les thèmes principalement évoqués étaient les mutations de notre société face à l’intelligence artificielle et en quoi l’échelon supranational pouvait fournir un cadre adéquat face à ces changements.
Nous avons ainsi constaté que l’OCDE et le G20 étudient la possibilité d’apporter des normes internationales afin de réinventer une fiscalité, propre aux nouvelles technologies.
Diverses options sont envisagées. Certains souhaiteraient taxer les GAFA -ces géants du Net comme Google ou Facebook- qui payent actuellement peu d’impôts par rapport aux bénéfices qu’ils font.
Pour d’autres, la solution réside dans un système commun de taxe sur les services numériques comme le Conseil de l’Union européenne l’envisage via sa proposition de directive. Dans l’attente d’un cadre supranational, la France est d’ailleurs en train de légiférer en ce sens.
D’autres solutions sont envisageables. Dans le cadre des auditions au Sénat pour le rapport d’information relatif à la nécessaire collaboration entre l’État fédéral et les entités fédérées en ce qui concerne les retombées, les opportunités, les potentialités et les risques de la « société intelligente » numérique, nous avons ainsi évoqué la « Bit tax ».
Cette taxe, fruit du travail du Professeur Luc Soete de l’Université de Maastricht, entend taxer les flux de données. Le but est donc de taxer, très légèrement, le passage de données informatiques, indépendamment de leur contenu.
Les propositions ne manquent pas et la vide juridique actuel au niveau supranational devra être comblé rapidement !
Autre point qui était à l’ordre du jour :l’importance de formuler des principes conducteurs à l’appui de l’intelligence artificielle pour la société de demain. Notre monde change énormément, il est plus que jamais nécessaire de fournir un cadre juridique et plus largement éthique pour l’intelligence artificielle. Face à une voiture automatisée qui fait un accident et tue un humain, qui sera responsable ? Quelles règles va-t-on imposer à ces machines quand elles devront choisir entre sauver le passager ou sauver un piéton qui traverse ? Plus que des questions de droit, c’est toute une éthique robotique qu’il reste à composer, des règles morales à fixer.
Le monde de demain sera celui des bouleversements climatiques, des mutations économiques et sociétales et du risque d’inégalités sociales. L’intelligence artificielle aura un rôle dans ces grands changements, il reste à déterminer lequel.
Cette société qui change est aussi celle de l’automatisation des tâches et du remplacement de l’humain par la machine. Il faut, selon les chiffres les moins pessimistes, s’attendre à une perte d’emplois de dix pourcents à cause de l’intelligence artificielle. Le politique doit dès aujourd’hui s’assurer que cette transition vers le numérique sera équitable et qu’elle ne laissera personne sans solution structurelle. C’est le système de sécurité sociale dans son entièreté qui est en en jeu et qu’il faut protéger. Cet aspect a aussi été traité lors de nos rencontres.
Enfin, lors de ces deux jours, nous avons aussi évoqué la question de la cybersécurité. L’équilibre est subtil entre l’expansion du numérique d’un côté et le besoin de se prémunir des attaques ciblées sur les systèmes centraux d’un État (ses réseaux de communication, ses réseaux d’énergie, etc.) de l’autre. Comment définir un cadre international alors que cela implique de partager des informations sensibles avec un pays tiers qui pourrait avoir des intentions malveillantes à notre encontre ? Dilemme délicat où le curseur n’a pas encore été placé.
Après ces débats, je reviens en Belgique avec un éclairage neuf sur certains aspects de la question. De nouvelles pistes à explorer aussi, dans le travail que nous effectuons au Sénat en ce moment dans l’élaboration du rapport d’information sur la « société intelligente » numérique.
Intéressé depuis fort longtemps par la question, je reste préoccupé par l’avenir des travailleurs, par les questions éthiques liées à l’intelligence artificielle et par les mutations de notre société. Je continue à penser qu’il est notre devoir d’hommes et de femmes politiques d’anticiper ces changements et d’accompagner dès à présent les mutations de notre société en légiférant afin que l’humain reste le centre de nos préoccupations.